États-Unis

Regard inusité sur le Vermont

Les images du Vermont que l’on voit habituellement sont pittoresques, lyriques… et clichées. Dans Too Tired for Sunshine, son livre qui doit être publié au printemps, la photographe américaine Tara Wray a réussi à saisir l’aspect étrange, isolé et aussi chaleureux de l’État voisin du Québec. La Presse lui a parlé.

Vos photos montrent un aspect étrange et caustique du Vermont que l’on n’a pas souvent l’occasion de voir…

Ce n’était pas conscient… Le Vermont est mon État d’adoption. Mon mari et moi sommes arrivés ici en 2007. L’idée était d’y rester pendant un an pour travailler sur un projet, et ensuite de retourner vivre à New York. Mais nous sommes tombés amoureux du Vermont, nous avons acheté une maison, eu des enfants… Nous nous y sentons chez nous. Nous habitons près de la ville de Woodstock [à environ 2 h de route de la frontière avec le Québec].

Une des choses que j’aime à propos du Vermont, c’est que je ne serai jamais considérée comme une Vermontoise. Je serai toujours une « flatlander », une personne venue d’ailleurs. Il faut plusieurs générations avant de pouvoir dire qu’on est du Vermont. Alors ma façon de voir le Vermont est la mienne !

Certaines de vos photos montrent l’humour des Vermontois, par exemple celle où l’on voit le derrière d’un chevreuil empaillé accroché à un mur…

Oui. Ce derrière de chevreuil était accroché dans une station-service, près des toilettes… C’est un bel exemple du sens de l’humour des Vermontois. Pour eux, c’est une façon de rire des gens qui pourraient être choqués de voir ça. Ce qu’ils disent, c’est : « Voici qui nous sommes. Si vous ne trouvez pas ça drôle, vous n’avez qu’à partir. » Les gens du Vermont sont farouchement indépendants, ils vivent comme ils l’entendent. Le sentiment de communauté est très fort. Les gens connaissent leurs voisins et sont prêts à les aider. En même temps, on n’a pas à se conformer à une seule façon de faire, une seule façon de penser, au risque d’être jugé, d’être regardé de travers. C’est pourquoi les hippies sont venus en aussi grand nombre au Vermont dans les années 60 et 70 et ne sont jamais repartis.

Comment vos photos sont-elles perçues au Vermont ?

Je n’ai eu que du soutien et de bons mots. En fait, je crois que ça en prend beaucoup pour choquer quelqu’un du Vermont. Les Vermontois sont des gens qui ne se laissent pas facilement impressionner. J’essaie toujours d’avoir du respect quand je prends mes photos. Il y a quelque chose dans l’image auquel je me sens liée.

Le Vermont est l’un des États où l’âge moyen est le plus élevé aux États-Unis. Comment pourriez-vous expliquer cette réalité ?

C’est difficile de gagner sa vie au Vermont. Quand les jeunes partent étudier ailleurs, je crois qu’ils ne sont pas nombreux à revenir en courant. En dehors de quelques petits centres urbains comme Burlington et Montpelier, il n’y a pas un grand nombre de jeunes. Je crois que c’est un endroit où il est difficile de faire sa place, spécialement dans les arts ou des domaines connexes. Alors ça fait pencher la balance démographique. Personnellement, j’ai toujours été attirée vers les aînés. Je trouve que ce qu’ils ont à dire à propos de la vie est important, parce qu’ils l’ont vécue.

C’est coûteux de vivre au Vermont. Le logement est cher, l’essence… Vous devez constamment prendre votre voiture pour vous déplacer, ça prend 10 ou 15 minutes en voiture rien que pour aller à l’épicerie. Les enfants vont à l’école à 25 minutes d’ici. La vie n’est pas aussi chère qu’à New York, mais pas loin. Bien des gens cumulent trois emplois pour pouvoir arriver à la fin du mois. Personnellement, je fais aussi de la vente sur eBay. La majorité des gens que je connais qui ne sont pas nés dans une famille riche font la même chose. Vous devez faire ce que vous pouvez pour arriver. Durant l’hiver, notre communauté offre du bois de chauffage gratuitement aux gens dans le besoin. Plusieurs communautés dans la région font la même chose. Les gens prennent soin les uns des autres.

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